Affiche concours Critère 2022

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« Concours littéraire Critère » et consultez les animateurs de la Vie étudiante de votre cégep/collège !

Qu’est-ce que Critère ?

Une compétition d’écriture littéraire offerte depuis 1976 à tous les étudiants à temps complet ou à temps partiel des collèges d’enseignement publics ou privés de la province de Québec. Chaque année, huit lauréats se partagent 5 000 $ en prix.

Notre but est de repérer et de faire connaître de jeunes auteurs de talent, mais aussi d’inciter des étudiants à profiter d’un contexte d’écriture stimulant. Ils peuvent écrire des textes longs, entre 1 500 et  4 000 mots selon le genre (voir les Règlements dans l’onglet Inscription), et profiter de l’évaluation d’un jury professionnel.

Critère est un concours qui se déroule dans 30 à 40 cégeps simultanément. Une équipe imposante d’agents socioculturels et d’enseignants veille à son bon déroulement. En 2022-23, il en est à sa 46e année d’existence. Ses fonds proviennent en grande partie du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec ainsi que du Réseau intercollégial des activités socioculturelles du Québec (RIASQ). Le Cégep Garneau, où se trouve le secrétariat du concours depuis plusieurs années, fournit pour sa part du personnel, un soutien technique et une subvention annuelle.

Présentation du thème de l’édition 2022-2023

L’ESCALIER par ANTOINE DESJARDINS

À vis, en colimaçon, à paliers. Suspendus, mécaniques, dérobés. Abrupts, sinueux, sinistre. Il y a autant d’escaliers qu’il y a d’individus ou de modes de vie, de trajectoires ou de tragédies.
Hautement polymorphe, sa personnalité, son énergie, émanent de son allure (courbe, droite, élancée, puissante, aérienne) aussi bien que de sa matière (ciment frais, bois grinçant, moquette roussie, marbre étincelant), de son aura (élégance, brutalité, discrétion, décrépitude) et des fonctions (d’honneur, de service, de secours) qu’on lui confère, des responsabilités qu’on lui confie. De sa position (au sommet d’une montagne, au pied d’un palais de justice, au Centre Bell ou dans la tour d’une grue) et du lieu auquel il se rattache (celui où l’on va ou dont on s’échappe), aussi, qui façonnent l’expérience que l’on en fait.
Chose certaine, malgré les avancées technologiques prodigieuses des derniers siècles, l’escalier demeure, sans conteste, le plus fidèle des véhicules, la plus fiable des courroies de transmission. Points de fuite, de mire ou de pivot, ses lignes de force serpentent, tourbillonnent, zigzaguent et se déploient, bras dessus bras dessous, comme autant d’invitations à entrer dans la danse. Peu importe, au fond, l’action (l’escalade, la dégringolade, le survol, la glissade, le plongeon) ou ce qui la sous-tend (la fuite, le déni, le refus, la hâte, l’exaspération) : comme le chantait Daniel Bélanger, « tout est dans la manière » de répondre, de consentir à son appel au mouvement.
Or, si on l’associe spontanément à la mobilité, l’escalier est parfois un lieu où l’on se dépose (de gré ou de force) dans la patience. La cloche, la fin du quart de travail, la pause diner. L’arrivée des services d’urgence. Le facteur, le serrurier. Un retour. Un animal perdu, un·e ami·e en retard. Un signe. Un sens. On espère mille et une choses, dans l’escalier, la sous-espèce de salle d’attente la plus répandue du règne architectural.
Il arrive aussi, bien sûr, que l’on n’y attende absolument rien, sinon le rien lui-même. Une fois déserte, sa cage devient un refuge. Une bulle de calme. Un espace en creux où l’on peut s’extraire (au détour d’une pause-café, d’un cours foxé, d’une crise de panique évitée de justesse) de la cacophonie ambiante, des agendas débordants, des tourbillons de courriels ou de la frénésie contemporaine. Vide, l’escalier agit comme une caisse de résonance, se transforme en une chambre d’écoute inespérée, en un temple où l’on peut enfin s’entendre penser. Percevoir les bruissements subtils de la conscience, son murmure, ensevelis sous le bruit et l’agitation quotidienne.
À la croisée des chemins – du doute, du sens, des trajectoires – l’escalier n’est pas une fin, mais un moyen. Un espace mitoyen. Intermédiaire. Un intermède durant lequel la marche du temps, le cours de la vie, est mise en suspens. Un entracte fécond où apparaissent, se superposent et coexistent une multitude d’avenues, de scénarios et de réalités potentielles. En cela, l’escalier offre à la conscience une page blanche. Un espace vaste où l’instinct, l’imagination, enfin libres, peuvent se déployer dans toute leur ampleur. Barbouiller l’ennui de propositions sauvages, tracer les contours de territoires insoupçonnés. Cerner nos peurs inavouées, débosseler nos espoirs cabossés, déterrer nos rêves les mieux enfouis.
Comme tout bon canevas vierge, l’escalier nous regarde droit dans les yeux, moqueur, nous défiant de consentir à nos désirs, aux élans de l’intuition. Inébranlable miroir, il nous révèle qui nous sommes en nous forçant à faire un choix.
L’avenir, le chemin, la destination.
Dans l’escalier, tout est encore possible. Tout est encore à jouer.

 

Présentation du thème de l’édition 2019-2020 : le corps

par Karoline Georges 

On en a tous un (en principe). On ne l’a pas choisi (mais on peut le transformer…un peu). Son fonctionnement est d’une complexité ahurissante (même si on n’en est pas toujours conscient). Il est sexué (ou pas). C’est par lui qu’on découvre le plaisir (et toutes les souffrances, aussi). Par lui qu’on découvre le monde (ou qu’on s’en isole). C’est un instrument de création artistique (ou d’autodestruction).

Le corps est notre premier univers, un monde à notre échelle, qu’il faut apprendre à mouvoir, à entretenir, à nourrir. Par le langage, par nos gestes, nous tentons d’entrer en communication avec autrui, d’interagir, de prendre place, de participer au projet social. Le corps nous impose ses goûts, son dédain, ses préférences, ses limites. On peut le discipliner par une alimentation stricte et un programme d’exercice ou en perdre le contrôle par l’abus d’alcool, de drogues. Le corps peut raconter toutes les expériences sensorielles, émotionnelles, intellectuelles, spirituelles. C’est aussi le lieu de toutes les épreuves. Le corps doit composer avec la maladie, avec la mort. C’est par lui qu’on naît, qu’on donne la vie. Le corps évolue, il est confronté à son environnement, il le transforme.

C’est également à travers lui que se forme l’imaginaire… un imaginaire qui peut même nous permettre d’inventer le corps du futur.

Présentation du thème de 2018-2019 : la fraternité

« LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ. » L’ambitieux programme de la Révolution française fait encore aujourd’hui l’objet de tous les débats publics et il ne se passe pas une semaine sans qu’on fasse allusion aux LIBERTÉS d’expression, de religion, d’opinion, à L’ÉGALITÉ encore à faire entre les femmes et les hommes, comme aux inégalités entre pauvres et riches. Mais qu’en est-il de LA FRATERNITÉ ?

Elle apparaît comme le parent pauvre du fameux slogan révolutionnaire. Et pourtant, à quoi bon la liberté et l’égalité s’il n’y a pas de fraternité entre les êtres humains ? Au contraire, avons-nous envie de dire, elle est la condition première du bonheur, car c’est seulement dans le terreau d’une société fraternelle que peuvent fleurir et la liberté et l’égalité.

Plus que la solidarité, qui peut n’être que le fruit de circonstances, qu’une forme d’alliance temporaire, la fraternité suppose la reconnaissance d’un lien de familiarité entre individus. Famille de sang ou famille d’esprit ? Pour ceux qui ne trouvent pas leur compte dans la famille traditionnelle, il existe les amicales, les associations professionnelles, sportives, caritatives, religieuses, ce qu’on appelle justement des fraternités, dans lesquelles on peut cultiver ce sentiment d’appartenance si nécessaire à la bête humaine. Les SŒURS ne sont pas en reste : les féministes ont forgé le mot « SORORITÉ » pour nommer et promouvoir la solidarité féminine, sans laquelle les conditions de vie des femmes n’auraient pas progressé depuis un siècle.

Mais la famille de sang ne va pas de soi : pour quelques frérots qui savent s’épauler, combien de jalousies empoisonnées ! combien de frères ennemis dans la littérature depuis Caïn et Abel ! combien de guerres fratricides entre peuples voisins que tout devrait pourtant rapprocher ! La famille apparaît parfois comme une nécessité fâcheuse avec laquelle il faut composer, vaille que vaille. Je le frappe à la maison, mais je le défends à l’école. Je l’aime et le hais, mon frère, cet autre moi-même…

Au-delà de cette fraternité toute humaine, l’alarmante situation planétaire ne peut qu’attirer notre attention sur l’évident besoin de fraternité, non seulement entre êtres humains, mais aussi à l’endroit des bêtes en voie d’extinction – qui sont pourtant nos semblables, elles aussi –, des plantes et des lacs, avec tout ce qui vit ou survit encore malgré les bouleversements climatiques, et qui ne sait plus comment implorer notre compassion.

Oui, pour le meilleur et pour le pire, « nous sommes condamnés à la fraternité », pour paraphraser Jean-Paul Sartre.

Sur ce sentiment essentiel et néanmoins négligé, l’équipe Critère veut attirer l’attention des étudiant-e-s cette année.

 

Présentation du thème de 2017-2018 : l’empreinte

L’héritage qu’on laisse, sciemment ou pas, positif ou non, imprègne la génération suivante, qui n’est pas toujours libre de choisir si elle l’accepte ou non. C’est vrai pour les pays qui ont été le théâtre de guerres traumatisantes, qui condamnent leurs enfants et petits-enfants à composer avec ce lourd passé. C’est également vrai pour les actions et les réalisations de nos propres parents, qui influencent souvent à notre insu l’existence que nous choisirons de mener. L’empreinte, c’est ce qui reste de soi quand on n’y est plus.

Le verbe empreindre nous conduit pour sa part à des significations méconnues. Si la langue anglaise utilise le terme « pregnant » pour désigner la femme enceinte, c’est que, comme tant d’autres mots, elle l’a emprunté au français. Alors qu’au moyen âge le mot « connaître » désigne des rapports sexuels, le mot « imprégner » signifie précisément « rendre enceinte, féconder ».

Mais rapidement il a signifié plus que cela : imprégner quelqu’un d’un sentiment, par exemple, c’est le lui communiquer jusqu’à ce qu’il le fasse sien. On est aujourd’hui encore, dans la langue soignée, tout imprégné de la pensée d’un philosophe ou de l’expérience qu’on a faite d’un spectacle, d’un film qu’on a vu. L’impression durable que nous laisse une aventure, quelle qu’elle soit, c’est cela aussi, une empreinte. Et l’on s’aperçoit alors qu’on peut soi-même être la part passive, la surface qui reçoit, le terreau qui garde la trace d’un passage, d’une rencontre marquante. Un peu comme le sable conserve le souvenir d’une présence humaine, animale, végétale ou minérale, qui devient avec le temps un fossile, c’est-à-dire un témoignage de ce qui fut.

Si l’empreinte est involontaire, elle se fait indiscrète. Elle peut permettre de mener à sa source de manière inopinée et se révéler lourde de conséquences. Si elle est volontaire, elle constitue au contraire un message, voire une invitation, sinon du moins une signature.

Certes, il faut se montrer perspicace pour décoder l’empreinte, elle ne livre pas son information tout de suite. Elle est l’envers de quelque chose. Elle est le résultat d’une impression, de l’application d’une force, qu’il faut interpréter à l’envers, comme dans un miroir, pour remettre les choses à leur place. C’est ainsi que le chasseur retrace sa proie ; l’enquêteur, le scélérat ; le cocu, son rival; le vendeur, son client ; le juge, la vérité. Dans le processus, autant la vue et l’ouïe que l’odorat, le toucher et le goût peuvent être mis à contribution.

L’empreinte est le signe indéniable et implacable de ce que l’on est, d’une identité qui ne peut être contrefaite. C’est ce qui la rend si intéressante. L’afficher peut servir à s’affirmer, l’oblitérer, à se déresponsabiliser. Alors bien entendu, elle est un instrument d’action et d’expression qui est à l’image de la personne qui la crée.

Nous invitons les auteurs à se servir de l’empreinte pour révéler, établir, décrire ou définir une identité. Il leur appartiendra de montrer en quoi cela permet d’établir des faits, des impressions et des sentiments intéressants. Autant l’essai, le récit et le théâtre que la poésie peuvent servir de format d’écriture.